Outside (post-Réunion houleuse)

Ethel ne tarda pas à retrouver Malwen dehors. Assise sur une pierre, pliée en deux, son amie toussait à s'en déchirer la gorge. Ethel s'assit à côté d'elle et tira de la poche de sa cape une fiole qu'elle lui tendit.

Tiens, bois ça. C'est pas exactement le remède adéquat, mais ça apaisera la douleur pour quelques heures.

Elle attendit que Malwen prenne la fiole puis, les yeux fixés sur le vide, laissa tomber :

Par les poulaines de Viviane, Malwen, qu'est-ce qui t'as pris ? Ça faisait des années que je ne t'avais pas vue comme ça, même pour la mort d'Alekseia tu n'étais pas dans une telle rage ! Qu'est-ce... qu'est-ce qu'il a bien pu dire pour te mettre dans un tel état ? Après tout, il n'avait pas tort de se mettre en colère ! Présenté comme ça, à demi-mot, il avait des raisons de se sentir visé, il ne lit pas dans les esprits, lui. Et quelqu'un de normalement constitué se serait immédiatement senti visé. D'une certaine manière, c'est rassurant, ça veut dire qu'il est normalement constitué.

Elle eut un petit rire. Mais le Cœur n'y était pas. Elle se tourna vers Malwen et redemanda :

Allez, Malwen, dis-moi... Explique-moi, quoi ! Pourquoi est-ce que tu t'es mise dans une telle colère ?

Malwen mit quelques secondes à retrouver assez de souffle pour boire le contenu de la fiole sans s'étrangler. Le liquide lui brûla la gorge, mais c'était une "bonne" douleur. Elle resta encore un moment sans parler, assise face à la mer. Le vent glacé et chargé de grésil lui fouettait le visage, délayant ses fards, les effaçant petit à petit, rendant à ses traits leur pureté. Ses longs cheveux noirs, qui s'envolaient à chaque bourrasque sans qu'elle se souciât aucunement de les discipliner, étaient trempés et mêlés de glaçons.
Enfin, elle murmura :

Je sais. C'était disproportionné. Et tu as raison, il était dans son droit. Mais là, je crois que ça a été trop d'un coup. La mort d'Eos nous a tous affectés, et les évènements se sont précipités à une telle cadence...

La pyrokinésiste soupira.

J'ai eu tort. ça faisait... des années que je n'avais pas ressenti ça. D'habitude, j'arrive toujours à... gérer, maîtriser...

Elle étouffa une nouvelle quinte de toux dans son poing.

Mais là... A l'entendre, on aurait dit que lui seul prenait des risques, que nous, nous étions tous des planqués, tous autant que nous étions !

Une bourrasque, plus violente que les autres, la coupa dans son élan. Ses épaules s'affaissèrent à nouveau et elle murmura :

Peut-être qu'en ce qui me concerne, il a raison. Peut-être que je suis une planquée....

Ethel soupira, tira un étui à cigarettes de sa poche, compta les Vogue qui lui restaient. Elle n'y avait pas ,touché depuis deux ans. Elle en tira une, sans l'allumer.

Le jour où tu cesseras de dire des conneries, toi...

Elle haussa les épaules, tira sa baguette et s'efforça d'allumet la cigarette en dépit du vent.

On prend tous des risques. Consciemment ou pas, plus ou moins calculés, plus ou moins ouvertement. Mais on est tous logés à la même enseigne, on est tous en danger parce qu'un beau jour, on a dit à Face-De-Mort-Vivant d'aller se faire voir, lui et ses sbires. ça va de moi qui ai toujours aimé casser du Mangemort et ne m'en suis jamais cachée - et qui, par voie de conséquence, ne peux plus faire trois pas dans la rue sans qu'un Mangemort ne me tombe sur le poil - à Celyan et Olive, qui passent inaperçus mais qui risquent d'être découverts à tout instant, en passant par Drago et sa "trahison" et Théodore qui fait mine d'être des leurs. On combat tous le même incendie, Malwen. Sauf que, comme Théodore est tout près du foyer, il est normal qu'il ait la sensation de se brûler plus que les autres...

Elle prit sa cigarette, lui jeta un regard noir et recommença à essayer de l'allumer.

En ce qui te concerne toi personnellement, tu cours un autre type de risque : tu risques d'être découverte et d'entraîner dans ta chute ton frère et ta belle-soeur. Jouer les collabos, c'est un jeu moins évident qu'il n'y paraît et peut-être plus dangereux que d'agir comme je le fais. Tu es sur la corde raide, ma vieille.Tu n'es pas une planquée, crois-moi. Tu risdques ta peau autant que nous, la différence, c'est que tu ne risques pas que la tienne.

Un temps.

Tu vas voir que je ne vais pas réussir à lallumer, cette merde !